Communiqué de Léo Battesti

jeudi 23 septembre 2004, par DDTM

Vos commentaires

  • Le 23 septembre 2004 à 09:45, par DDTM En réponse à : Communiqué de Léo Battesti

    Quelle politique pour le développement du jeu d’Echecs ?

    Les prochaines élections à la F. F. E. ne doivent pas se limiter au seul choix des hommes. Même s’il est important, dans ce domaine aussi, de faire preuve de discernement, les questions de fond me paraissent prioritaires.
    Pour alimenter ce débat, je voudrais vous faire part de ma propre expérience en matière de développement du noble jeu, dans le cadre de la Ligue dont j’ai la charge,.

    Etat des lieux d’abord…
    La Corse compte une moyenne de licenciés 17 fois supérieure à celle de l’ensemble des autres régions. En extrapolant, si le pourcentage corse était répercuté, il y aurait 800 000 licenciés en France !
    Notre Territoire organise 3 grandes compétitions internationales, des tournois de masse regroupant plusieurs milliers de participants (3 000 sous chapiteau à Bastia en juin 2004).
    L’enseignement des Échecs y est généralisé dans le primaire. Inclus dans le temps scolaire, à raison d’une heure par semaine, il concerne, en 2004-2005, près de 5 000 élèves…
    Le budget de la ligue corse représente près du tiers de celui de la FFE alors que la part des licences n’atteint pas les 5 % contre 55 % pour cette même Fédération...
    Plus de 300 partenaires privés soutiennent notre activité. Une trentaine de tournois rapides (la plupart également sponsorisés) ont lieu dans toutes les villes et dans de nombreux villages de l’île avec une participation moyenne de 140 joueurs (jusqu’à 280 !).
    Toutes les institutions de l’île et de nombreuses mairies ont contracté une convention avec notre Ligue pour un montant global, en 2004, de 230 000 €.
    Nous avons créé, en 4 ans, une dizaine d’emplois salariés (1 seul emploi jeune).

    Sur le plan qualitatif, les effets de la politique de masse sont évidents : au dernier Championnat de France des jeunes, dans toutes les catégories, les jeunes insulaires ont flirté ou atteint les podiums… Le nombre de licence A a décuplé en quelques années et placé de nombreux clubs dans le peloton de tête du palmarès de la FFE.
    Tous les autres voyants sont au vert : forte augmentation du nombre d’arbitres, de diplômés DAFFE. Le bénévolat y atteint une ampleur exceptionnelle (une centaine de bénévoles participent à l’organisation du Circuit Corse), des locaux vastes et confortables abritent nos clubs (480 m2 à Bastia en plein centre ville, 250 m2 à Ajaccio sur le Port de l’Amirauté…).
    Dans le secondaire, le mouvement se précise. Trois 6èmes Échecs ont été ouvertes à Bastia, d’autres le seront l’année prochaine à Ajaccio.
    Nous avons fait l’acquisition de 300 pendules électroniques (alors que nombre de jeunes joueurs ne savent pas encore ce qu’est une pendule mécanique !), de vidéo projecteurs, de centaines de tables et de chaises, de 1500 échiquiers…
    Notre ligue prend en charge l’intégralité du déplacement des jeunes qualifiés pour le Championnat de France, organise de nombreux stages de formation et d’arbitrage, ainsi que des tournois avec des MI et GMI pour nos meilleurs joueurs.
    Notre activité fait une vingtaine de fois par an la une des journaux insulaires. Les couvertures télé sont très fréquentes et une émission hebdomadaire est en cours de programmation.
    Toute la Corse connaît et suit avec ferveur le développement de notre discipline. La pratique de masse de notre jeu est devenu un objet de fierté pour nombre de Corses qui y voient un symbole de réussite collective.

    Les raisons d’une telle dynamique, et en quoi peuvent-elles éclairer le débat actuel au sein de la FFE ?

    D’emblée j’écarterais quelques réserves du type, « oui, mais c’est en Corse… ». Nourrie par des préjugés, cette objection ne tient pas la distance. Certes notre spécificité est un atout. Et il est difficile d’imaginer un développement comparable dans toutes les régions de France, le fait insulaire amplifiant certains mécanismes.
    Mais la dynamique actuelle est, principalement, la résultante directe de choix politiques opérés par les responsables des Échecs insulaires.

    Quelles ont été nos options fondamentales ?
    Avant tout, puisque nous sommes joueurs d’Échecs, parlons de stratégie avant d’évoquer les moyens tactiques…
    L’axe essentiel de notre politique est de tout faire pour sensibiliser la masse au noble jeu.
    Dès lors tous nos efforts convergent vers cet objectif : politique de masse, choix budgétaires, axes de communication, emploi du temps des salariés, organisation de tournois, variété dans les cadences de jeu… tout est conçu pour élargir la base des joueurs, c’est-à-dire pour vulgariser au maximum et gagner des adeptes.

    Dès que l’on s’en tient à cette politique, on gagne en cohérence et en crédibilité. Elle recouvre plusieurs aspects.

     Politique de masse
    Sa base ne peut être que le milieu scolaire. Dans une société courbaturée en quête de remèdes urgents, le jeu d’Échecs constitue un atout considérable. Ses vertus socio-éducatives sont désormais reconnues par tous.
    Nous avons réalisé un questionnaire distribué à 150 professeurs des Écoles. Tous ont souligné ces qualités, vanté les mérites de l’apprentissage (écoute, respect, concentration, passerelle entre les différences, etc…) et réclamé le maintien de cet enseignement dans le temps scolaire.
    Ce secteur scolaire est actuellement, au niveau national, séparé du secteur jeune. C’est, selon moi, une erreur. Et le signe d’une approche conçue principalement sous l’angle de la compétition
    Car le monde scolaire, c’est précisément là où se trouvent les jeunes, ceux qui ne viendraient jamais spontanément à la pratique de notre jeu et qui, dès l’instant où ils sont initiés, constituent des membres de club potentiels. L’apprentissage du « langage échiquéen » est donc une condition sine qua non de notre essor.

     Rôle des Ligues et des Comités départementaux
    Il est déterminant. Il appartient aux responsables de ces structures de tisser des relations avec les inspections académiques, les Recteurs, les Directeurs, les maires, les Conseils Généraux. Les évolutions irréversibles vers la « régionalisation » offrent aux collectivités plus de pouvoir en matière éducative. Le contact avec ces institutions est donc une priorité. Des lignes budgétaires existent. Il faut en premier lieu les connaître… Et s’efforcer d’en mobiliser une partie pour l’enseignement du noble jeu.
    Souvent j’ai entendu des réserves du type : « oui, mais dans notre région, on ne nous calcule même pas... » ou « notre inspecteur d’académie est réticent ... » etc… Sans doute. Et c’est là que doit intervenir, « au sommet », l’action de notre Président auprès du Ministère pour faciliter le travail de terrain de tous les Présidents de Ligues et de Comités Départementaux. Mais force est de constater que, le plus souvent, cette approche n’est pas réalisée, car il n’y a pas de vie réelle dans certaines Ligues et Comités… Et ce parce que la plupart des régions sont constituées d’une mosaïque de clubs évoluant en vase clos.

     Politique salariale au service de la masse
    Privilégier l’emploi au niveau des ligues est important. Et les effets induits sont considérables.
    Les formateurs salariés de notre Ligue sont au service de tous les clubs. Ils interviennent en fonction de leur niveau et de leur disponibilité, dans de nombreux clubs.
    Des séminaires ont lieu régulièrement pour faire le point collectivement et améliorer l’existant. Le contenu pédagogique est au centre des débats et des résultats concrets sont à souligner : édition d’un manuel d’apprentissage de 118 pages quadri, programme et contenu des interventions selon les classes, choix des tournois scolaires, etc…
    Nos enseignants, lors de leurs interventions dans les classes, invitent les plus motivés des élèves à connaître le club de leur zone d’intervention. Un mensuel de 8 pages quadri, distribué gratuitement à chaque élève (4200 cette année), outre des exercices par niveau de jeu, véhicule une communication sur les tournois, sur les clubs.
    Des tournois de blitz ou de parties rapides sont organisés régulièrement dans chaque région de Corse, avec une forte communication transmise par des dépliants spécifiques, auprès des scolaires. Des prix spécifiques leur sont réservés. Les résultats dépassent nos espérances : multiplication par 10 du nombre de licenciés A en 5 ans…

    Communication vers les profanes
    Je ne veux citer qu’une anecdote pour mettre en relief ce point crucial. J’avais proposé à la FFE la diffusion massive d’un dépliant comportant les règles du jeu. Son contenu avait été jugé inadapté. A ma grande surprise. Pourtant nous distribuons chaque année, dès la rentrée scolaire, ce même dépliant avec les adresses des clubs. Les effets sont sidérants, en termes d’efficacité.
    Parce que cette communication, qui paraît superflue ou trop basique à certains, est en fait fondamentale. Nos règles de jeu doivent être popularisées : c’est la communication essentielle. Et seul un écrit distribué de façon massive peut atteindre cet objectif.
    La qualité de la communication est aussi nécessaire. Avec les évolutions permises par le Web, la couleur s’impose. L’esthétisme de la mise en page aussi.
    Communiquer est forcément rentable. Notre « produit » étant de qualité, s’il est servi avec des soucis flagrants de qualité, il séduira des partenaires privés ou institutionnels. C’est le cas du mensuel de notre Ligue, entièrement financé par une institution et un sponsor.
    En réalité, la FFE n’a jamais eu une politique de communication. L’examen de ses choix budgétaires est très significatif. A l’exception d’Échecs et Mat, qui mobilise toute l’énergie en la matière, aucune dépense n’a été engagée, mais, forcément, aucune recette n’a suivi…
    En fait, force est de dire que la frilosité a prévalu en la matière, nourrie par une conception purement comptable d’un budget dénué de toute réelle dynamique.

    Recherches de partenaires
    Qu’ils soient privés ou publics, leur démarchage est une obligation. La FFE a tenté de remédier au problème en créant… une commission. Qui n’a jamais fonctionné. Et pour cause. Ce type de démarchage est, selon moi, du ressort principal du Président. Ce rôle de VRP ne doit pas être considéré comme négligeable, voire déshonorant. Il est indispensable.
    C’est celui qui représente la Fédération qui doit avoir la dimension et l’autorité nécessaires pour dialoguer avec les Ministères et les PDG, afin de les convaincre d’associer leur image à la nôtre. De fait, force est de constater que l’image positive de notre jeu est utilisée par tous (marques de cafés, PMU, etc…) sauf par ses pratiquants !

    Je suis amené, là aussi, à parler de notre propre expérience. Le budget de la Ligue corse était de 150 000 F en 1998 ; il est aujourd’hui proche de 400 000 €. Nous avons signé des partenariats avec la Collectivité Territoriale (75 000 € en cours de renégociation pour tendre vers les 140 000 €), les deux Conseils Généraux (75 000 € chacun) les villes de Bastia (25 000 €) et Ajaccio (16 000 €) mais aussi de nombreuses autres villes (par exemple Porto Vecchio 4000 €, Calvi 10 000 € etc…) Également de nombreux villages pour des montants allant de 1000 à 2000 €). Nous avons plusieurs partenaires privés (Géant, SNCM, Caisse d’Épargne) pour un montant global de 30 000 €).
    Environ 300 autres entreprises soutiennent notre activité, via les tournois (Opens de Bastia, environ 60 000 € de sponsorisation, Ajaccio environ 30 000 €, Calvi 5000 €). Une dizaine de tournois de blitz sont financés par des entreprises et portent leur nom (Corse Fret, Auto Bilan, Patri Auto, Corse Trophées etc…) pour des montants allant de 1200 à 2500 €. Trois foires rurales dotent également des tournois (Corte, Luri, Venaco).
    Autre exemple : la création de la Maison des Échecs à Bastia. Sans la moindre subvention, nous avons ouvert cette « Casa di i Scacchi » en plein cœur de Bastia (480 M2). Grâce à un prêt bancaire, nous avons payé le fond de commerce et procédé à des travaux (y compris la climatisation). Le bilan de près de 2 années de fonctionnement est éloquent : le Club de Bastia fait d’importants bénéfices ! L’organisation mensuelle d’importants tournois (150 à 250 joueurs), conjuguée à l’ouverture d’une cafétéria et à la vente de produits, expliquent cette réussite. L’organisation hebdomadaire d’une quinzaine de cours renforce cette dynamique. Le club de Bastia, riche de 1250 licenciés dont 250 licences A, est exemplaire à plus d’un titre.

    L’exemple corse n’est sans doute pas transposable dans son intégralité. Nos caractéristiques géographiques (une île entourée d’eau…), notre forte identité (dont il est à remarquer qu’elle est très rapidement prise en compte et appréciée par nombre de nos formateurs qui ne sont pourtant pas d’origine corse…), le fait qu’en tant que Président je bénéficie d’une médiatisation importante, et, paradoxalement, notre courte histoire échiquéenne sont autant d’atouts.
    Cependant, je pense sincèrement qu’à partir de choix simples, d’une réorganisation plus tournée vers l’activité collective que partisane, d’une approche différente et moins exclusive de la compétition, et d’une communication et de démarches résolument tournées vers l’extérieur, de grands progrès peuvent être réalisés.

    Avenir de la FFE : l’homme de la situation
    J’ai longuement débattu de ces thèmes avec Jean-Claude Moingt. Et j’ai une totale confiance en lui pour enrichir la FFE grâce à son expérience, son dynamisme, sa passion.
    J’ai rapidement soutenu sa candidature car je n’ignore pas l’importance des hommes pour défendre des projets. Sans dénigrer les qualités des autres candidats, je crois sincèrement qu’il est l’homme de la situation. Car je sais qu’il aura à cœur de développer une politique de masse.
    Penser au plus grand nombre ne signifie pas négliger l’élite. Au contraire, les grands joueurs souffrent terriblement de la frilosité échiquéenne internationale. Peu de soutien, des choix uniquement dictés par des considérations intra muros eu égard au vide stratégique. Les résultats sont là. Accablants. Peu de tournoi dotés de façon significative, et réservés pour l’essentiel au top ten. Quelques assistanats par ci, quelques broutilles par là… L’immense majorité des GMI et MI ne vivent pas dignement de leur talent. Quant à la masse des joueurs, elle a l’impression (souvent justifiée) d’être tondue par le prix des inscriptions et des licences. Et comment faire autrement pour des organisateurs qui, le plus souvent, n’ont pour dotation à proposer que la seule recette des inscriptions ! De fait les « amateurs » sont la seule source de revenu de nombre de GMI et MI de niveau moyen. Le coût des inscriptions est, le plus souvent, totalement disproportionné.
    La FFE, en augmentant le prix des licences, a montré également ses limites actuelles. Il faut, bien au contraire, arriver à une baisse sensible grâce à une politique de masse facilitant une recherche de partenariats.

    J’ai donc décidé de m’inscrire, aux côtés de Jean-Claude Moingt, dans une équipe attachée à cette approche moderne du noble jeu. Sans exclusive, sans rejet, sans mépriser le travail déjà accompli, mais avec une volonté politique nouvelle, plus ambitieuse, plus adaptée aux besoins et aspirations de notre société moderne.
    Je souhaite ne pas avoir trop choqué par mes propos. Je n’ai jamais été hypocrite et je ne voudrais pas, non plus, paraître pontifiant.
    Ceux qui pensent que je suis la raison essentielle de ce développement en Corse se trompent. Certes, j’ai joué un rôle important et suscité un déclic. Mais, sur le terrain, mon action est relative. Aujourd’hui ce sont des dizaines de Présidents, de formateurs, de membres de club, de bénévoles, de parents d’élèves qui entretiennent quotidiennement cette dynamique. Du Cap Corse à Bonifacio, ce qui guide notre action c’est d’offrir à nos jeunes et à tous les autres le plaisir d’un jeu qui enrichit chacun d’entre nous.
    C’est ce que font également, je le sais, des centaines de membres de la FFE, mais, selon moi, avec un impact qui pourrait, bien souvent, être bien plus retentissant.

    Léo Battesti
    Président de la Ligue corse des Echecs
    Organisateur du Corsican Circuit

  • Le 23 septembre 2004 à 11:09, par Andreas Van Elst

    Et encore un très joli copier-coller. Tu sais, il suffit de mettre le lien  😛 .

  • Le 23 septembre 2004 à 13:11, par Yves Breton

    J’ai bcp travaillé en milieu scolaire. Il est vrai que les instits, notemment,trouvent le jeu d’échecs très bien. Mais ils ne l’introduisent la plupart du temps ds le tps scolaire que parce que ça leur "fait sauter une heure". De plus il est probable que la pression en Corse est telle, qu’ils ne peuvent pas refuser l’introduction du jeu ds le tps scolaire.

    Cependant, dans des circonstances "habituelles" ils n’en veulent pas car ils n’y comprennent rien pour la plupart. Les instituteurs (trices) sont très posséssifs de leurs élèves et voire entrer une matiére qu’ils ne maîtrisent pas leur classe est rare....

  • Le 23 septembre 2004 à 13:16, par DDTM

    Andréas, quand je reçois dans ma boîte perso un message, je ne fais pas le tour de tous les sites voir si le courrier est disponible ailleurs avant de le mettre sur le Forum si je le juge intéressant !!!
     😛

    Est-ce que la maison des échecs internationale de Toulouse avance , à ce propos ?
    ( je déconseille de l’appeler Maison Internationale Toulousaine des Echecs Cela fait MITE  😄  😄 )

  • Le 23 septembre 2004 à 14:02, par Andreas Van Elst

    DDTM

    Andréas, quand je reçois dans ma boîte perso un message, je ne fais pas le tour de tous les sites voir si le courrier est disponible ailleurs avant de le mettre sur le Forum si je le juge intéressant !!!
     😛

    Pourtant, tu vas souvent sur france-echecs 😛 .

    DDTM

    Est-ce que la maison des échecs internationale de Toulouse avance , à ce propos ?
    ( je déconseille de l’appeler Maison Internationale Toulousaine des Echecs Cela fait MITE  😄  😄 )

    Oui, ça avance. Ca devrait être delivré fin 2005. On est plus modeste que les Corses bien sur. Que 70m2 et qu’un frigo à la place de la caféteria :’ . Sinon on vient de changer déjà notre dénomination puisque depuis l’AG début septembre on s’appelle "Club d’Echecs International de Toulouse" 😛 .