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Précision sur la présomption d’innocence
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Mmmh, Doudou, je crois que tu te méprends sur la forme comme sur le fond.
Sur la forme
Tu sembles méconnaître, dans tes interventions, ce qu’est le principe de la présomption d’innocence en matière pénale. Ce principe est celui selon lequel toute personne poursuivie et soupçonnée d’avoir commis une infraction est considérée comme innocente des faits qui lui sont reprochés tant qu’elle n’a pas été déclarée coupable par la juridiction compétente pour la juger. En clair, on est innocent tant qu’une juridiction ne nous a pas déclaré coupable. Ce qui est très différent de on est innocent tant qu’il n’a pas été prouvé que l’on était coupable. Le juge rend son jugement en fonction des éléments à sa disposition. Il est plus que fréquent, même en matière criminelle, que des jugements reconnaissant la culpabilité d’un individu soient rendus alors même qu’aucune preuve, stricto sensu, n’ait été produite. Le juge décide alors, comme on dit, selon son intime conviction.
Dans le cas évoqué, la commission technique a rendu son jugement en fonction des éléments dont elle disposait. Comme tu peux le lire dans le texte fourni, ce jugement s’est notamment appuyé sur le refus du joueur de présenter son appareil à l’arbitre. En leur âme et conscience, les membres de la commission semblent avoir considéré que ce refus équivalait à une volonté de dissimulation de preuve. En conséquence de quoi, le bonhomme a été déclaré coupable. Rien d’anormal au niveau de la procédure, ici. Sa présomption d’innocence aurait été bafouée, en revanche si,par exemple, il avait eu à subir une sanction (suspension, passage à tabac, emprisonnement, ... :-P )avant même que son cas ait été examiné par la commission compétente.
Sur le fond
Tu sembles avoir lu un peu rapidement le texte. Précisément, ce qui se passe, c’est que la commission technique de ligue qui a jugé du cas d’espèce en donnant match perdu au joueur, demande le renvoi supplémentaire (et c’est là où il peut y avoir à mon avis, potentiellement, un vice de forme, l’affaire ayant été déjà jugée une fois - mais je ne connais pas du tout les textes fédéraux...) du dossier devant la commission de discipline fédérale afin qu’une jurisprudence soit établie. Pour les membres de la commission technique de ligue (et, au-delà du cas présent, je pense que l’on partage tous ce point de vue), l’utilisation d’un ordinateur en cours de partie est susceptible de porter préjudice à [l’autre] compétiteur, et est en outre une marque d’irrespect envers l’adversaire, ce qu’interdisent les deuxième et surtout quatrième alinéas de la charte du joueur d’échecs. Cette charte ne fait aucunement référence à des téléphones ou à des ordinateurs. Elle pose, comme toutes les chartes, des principes généraux. Ces principes sont précisés, au fil des ans, par les jugements rendus par les différentes juridictions. C’est une telle jurisprudence qu’appelle de ses voeux la commission technique de ligue.
Que va-t-il probablement se passer ici ? Probablement, la commission de discipline fédérale va, a minima, rendre un jugement qui soulignera que le fait, pour un joueur engagé dans une compétition, de ne pas présenter à l’arbitre, sur sa réquisition, un ordinateur d’échecs qui serait en sa possession, conduira l’arbitre a ordonner la perte de la partie pour ledit joueur. Si le jugement de la CDF est plus ambitieux, il ira jusqu’à interdir le "port" d’ordinateur de jeu, mais celà me paraît difficile d’un point de vue procédurier, ici. Une telle interdiction ne me semble possible que par voie réglementaire, pas jurisprudentielle.
En tout état de cause il n’y aura rien, ici, qui soit contraire à la présomption d’innocence. Le principe est simple. Dans le cas 1 (on a le droit à l’ordi mais on doit le présenter à l’arbitre à sa demande) comme dans le cas 2 (pas le droit d’avoir d’ordi sur soi), on pose une règle de fonctionnement qui vise à préciser comment doivent être appliqués, dans les cas d’espèce, les principes posés par la charte du joueur d’échecs.
De la même manière, dans la "vraie" vie, il est interdit, sauf autorisation spéciale, de se promener avec une grenade à la main. À défaut d’autorisation, on se retrouve au cabanon. Il n’y a pas de problème de présomption d’innocence, puisqu’ici, c’est le simple fait de commettre un acte précis (port d’un ordinateur ou d’une arme) qui est considéré comme un délit - on ne se pose à aucun moment la question de savoir si le bonhomme avec sa grenade à des intentions coupables ou n’est qu’un plaisantin. Que ces actes soient interdits du fait de textes législatifs, réglementaires ou au regard de la jurisprudence ne change rien au fond. Ils sont interdits, point barre. Capito ?
À vendredi,
phep